Tout commença par cette phrase, un soir de décembre (vendredi dernier - exactitude, je crie ton nom), débitée par l'institutrice de ma fille:
"A. ne pose aucun problème d'apprentissage. Mais elle a un vrai problème de comportement."
Ah.
Lequel?
"Elle n'écoute pas les consignes. Voyez, j'avais bien spécifié qu'elle ne devait pas colorier le dessin pour que je puisse voir les lignes qui ont été tracées. Et votre fille n'en fait qu'à sa tête."
On parle de ma fille. Qui a 6 ans. Qui doit rentrer dans le rang.
Parce que l'éducation nationale fait d'elle une dissidente, pour avoir colorié une fusée sur un travail manuel...alors qu'elle n'aurait pas dû. Parce qu'elle y a mis toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, sans même porter préjudice au travail initial.
Elle est comme ça, ma fille. Exubérante, vive, joyeuse, généreuse. Trop, parfois. Trop souvent, peut-être. Je l'appelle l'enfant licorne. Elle joue de la Air guitare sur du Marylin Manson en chantant à tue-tête. Et faux, en plus! Elle veut vivre dans un camping-car et ne pas se marier. Elle est libre. Elle est compliquée aussi, mon enfant.
Elle ne rentre pas dans les normes. Les codes, elle s'en tape! Et c'est précieux.
Elle a tant d'autres talents que de suivre des consignes abstraites. Sauf que ça, on s'en moque pas mal:
"Rentre dans la masse, enfant, ou tu n'auras d'autre choix que d'affronter mon courroux!"
Voilà. Nous y sommes. Voici l'apologie de la normalité et je me la prend, pleine balle, avec la maternité.
Pas que ce soit une nouveauté, on ne va pas se mentir. Mais quand il s'agit de mon enfant, je suis un tantinet plus chatouilleuse, voyez-vous?
Parce que je suis un chouïa colère en ce moment.
On le constate bien. Au nom de la "normalité", l'Homme est capable des pires bassesses. Il est capable de transformer, d'humilier, de harceler, de tuer.
Il ne respecte plus rien. Lui-même en tout premier!
Et ça me gave! (euphémisme)
Car lorsque je parle de ma fille, je parle forcément de tant d'autres.
De tout ceux qu'on oblige à être "normaux".
Ne pas peser le bon poids, ne pas faire la bonne taille, ne pas avoir la bonne tête, pas la bonne couleur de peau, de cheveux, de yeux, pas la bonne orientation sexuelle, ne pas penser ceci, ne pas gagner assez, ne pas venir du bon milieu social, ne pas avoir la bonne marque, le bon niveau d'études, le bon âge... (J'vous r'mets un peu d'normalité avec ça, ma p'tite dame?)
Je crois que je déteste ce mot. Je crois même que si il y avait une insulte ultime, pour moi, ce serait "Espèce de normal(e), va!".
Mais personne ne l'est. Je ne le suis pas. Vous non plus, je peux vous l'affirmer.
Après l'avoir ravalé pendant si longtemps, je le revendique désormais. J'en fait un combat.
D'ailleurs la "normalité" ne veut rien dire. Éradiquons ce mot du dictionnaire, de notre langue.
Qu'il ne soit plus prononcé, écrit, lu ou pensé. (Avec le mot "contre-nature". Celui-là non plus, je ne l'aime pas trop bien).
Que chacun puisse être ce qu'il veut, comme il veut, quand il veut, où il veut.
Car quelle richesse d'être différent!
C'est ce qui fait l'essence même de l'humanité. On touche à l'essentiel.
Etre différent, c'est être soi. C'est relever la tête et être fier.
C'est apporter à l'autre. C'est donner. C'est recevoir.
C'est accepter. C'est s'accepter.
C'est combattre aussi. C'est être valeureux.
Alors soyez hors normes, soyez différents, bordel de merde!
Je vous en prie...n'ayez surtout pas peur d'être unique!
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(A. mon chaton mignon, reste à jamais comme tu es! Mais donne le nom de ton dealer de rêves, s'il te plaît. On est plusieurs à en avoir bien besoin.)