Quand le livre prend une telle ampleur, dans une vie, que le sentir se fait sans réfléchir.
Un geste machinal, automatique et libre.
Libre de ne pas voir qu'on l'observe à la dérobée.
Qu'elle pourrait être zinzin, ou dérangée.
Qu'un livre ne sent rien.
Un livre sent tout.
Il se livre à travers ses effluves.
Le neuf, le vieux, la poussière et l'usagé.
La colle, l'encre et le papier.
Il porte la marque de son âge, de son imprimeur et de son éditeur.
Il porte la marque de celui qui l'a lu précédemment, des endroits où il a traîné, du Monde qui l'a observé et feuilleté.
Il sent la promiscuité des petites librairies ou le vide des entrepôts.
Des étagères en chêne ou celles en mélaminé.
Il porte la promesse d'une histoire à venir. Une de plus. Une parmi tant d'autres. Celle avant tellement plus.
Il porte cet instant fugace, ce moment d'excitation, de la découverte.
Un livre sent la patience de celui qui l'a écrit. De celui qui l'a illustré. De ceux qui l'ont aimé.
De ceux qui lui ont donné naissance. De ceux qui le font vivre. De ceux qui le transmettent.
Et moi, je suis de ceux qui le respirent. A plein nez.
Libre de ne pas voir que l'on m'observe à la dérobée.
Peut-être un peu zinzin...